Comment avez-vous travaillé à partir du journal qu’Alain Marécaux a écrit pendant sa détention ?
Quand j’ai lu ce journal j’ai eu le sentiment immédiat qu’il y avait un film, mais avant d’appeler Alain j’ai voulu lire tous les autres livres sur l’affaire, connaître les récits des autres innocentés pour voir s’il n’y avait pas d’histoire encore plus forte, ou plus emblématique, puis j’ai relu le livre d’Alain pour vérifier mon désir.
Je tenais vraiment à écrire le scénario avec lui parce que pour moi il y avait des impasses ; d’un point de vue égoïste j’avais besoin qu’il me raconte encore des choses, et surtout je ne voulais pas le trahir. Je savais que s’il me cédait les droits du livre et que je lui montrais le film fini trois ans plus tard, il y aurait plein d’erreurs ce qui aurait été insupportable pour lui. Je lui ai donc demandé d’être consultant sur l’écriture et s’il n’avait pas accepté, je pense que je n’aurais pas fait ce film.
D’un point de vue psychologique, il fallait aussi qu’il participe aux transformations obligatoires de la réalité vers la fiction. Par exemple ses deux sœurs dans la réalité sont devenues une seule dans le film. Il a eu beaucoup de mal à digérer cela parce qu’il n’est pas dans le métier. Il ne connaît pas la dramaturgie. Nous avons pris beaucoup de précaution pour que ce soit aussi son film.
Il était également présent au moment du tournage ?
Pas du tout. J’entends souvent dire cela mais ce sont des déformations. Il avait tellement fait de chemin pendant le scénario qu’au tournage, il ne faisait que passer. Il ne voulait même pas voir les rushes et je lui ai volontairement envoyé des photos de plateau pour qu’il n’ait pas de choc au visionnage du film.
Vous avez également eu accès aux comptes-rendus des confrontations ?
Oui bien sûr. Je me suis procuré le dossier d’instruction, ce qui est autorisé une fois l’affaire jugée. Le scénario est donc un croisement entre le récit subjectif d’Alain et le récit très objectif – quoique ! – des traces qu’ont laissé l’instruction. Le moindre détail entendu dans le film sont issus du dossier.
Vous avez rencontré le juge Burgaud ?
Non et je n’en ai pas eu besoin. Il s’est tellement exprimé dans la commission d’enquête que toute la matière était là : ses justifications, sa psychologie… Je me suis aussi beaucoup appuyé sur les P.V. de la garde à vue.
Comment avez-vous travaillé avec Philippe Torrenton ?
Je connaissais ses précédents films et je savais que je voulais qu’il soit Alain Marécaux. Contrairement aux autres rôles, il n’a pas fait d’essais.
On a organisé des lectures à l’italienne pour certaines scènes d’interrogatoire, un peu longues, qu’il fallait policer pour bien les avoir en bouche ; mais la plupart du temps on était dans la découverte de la scène. Philippe avait déjà fait tout un travail intérieur, qui est un travail d’acteur que nous, réalisateurs, n’avons même pas à connaître.
Lire la Critique du film